Dans un entretien accordé à l'émission "L'Intelligence Économique" de France 24, Kako Nubukpo, ancien ministre togolais et auteur de "L'Afrique et le reste du monde, de la dépendance à la souveraineté" (Odile Jacob), livre sa vision d'une Afrique cherchant à s'émanciper des modèles de développement imposés.
Les récents coups d'État au Mali, au Burkina Faso et au Niger reflètent, selon l'économiste, une volonté profonde de la jeunesse africaine de "prendre les choses en main". Avec 1,3 milliard d'habitants, 500 millions d'hectares de terres arables et d'abondantes ressources minières, le continent dispose des atouts nécessaires pour son développement autonome.
L'ancien commissaire à l'agriculture de l'UEMOA pointe du doigt l'échec des élites dirigeantes post-coloniales, qualifiées de "fantôches de la France-Afrique". Privées des leviers essentiels que sont la monnaie (franc CFA) et le budget, ces élites ont perpétué un système d'extraversion économique préjudiciable au développement du continent.
Nubukpo plaide pour un "non-alignement" constructif de l'Afrique, à l'image de l'esprit de Bandung (1955). Cette approche ne signifie pas l'autarcie mais la recherche d'une voie propre, basée sur les "communs africains" - une philosophie privilégiant la solidarité, le partage et la préservation des écosystèmes naturels. Face aux nouvelles tentatives d'influence, qu'elles viennent de l'Occident ou des puissances émergentes comme la Chine et la Russie, l'économiste appelle l'Afrique à définir ses propres termes de partenariat et à construire son développement de manière autonome.
Cette quête de souveraineté passe également par une refonte des institutions économiques et politiques, permettant de mieux répartir les richesses sur un continent marqué par de fortes inégalités. Pour l'auteur, l'enjeu est désormais de concilier légitimité et légalité, tout en répondant aux aspirations de la jeunesse africaine en matière d'éducation et d'emploi.
