L'Algérie au Sahel : médiateur de paix ou architecte de l'instabilité ?

Rédigé le 26/04/2025
LeMag .africa

Les révélations explosives de Salif Sanogo, ancien directeur de l'ORTM, ont ravivé les interrogations sur le rôle ambigu de l'Algérie dans la crise sahélienne. "Alger a toujours entretenu des liens privilégiés avec ces terroristes et certains groupes rebelles du Mali avec un dessein inavouable", affirme-t-il, pointant du doigt un prétendu pacte secret entre l'Algérie et des groupes terroristes, notamment celui de Mokhtar Belmokhtar.



L'histoire des relations entre l'Algérie et les groupes armés du Sahel remonte à la fin de la guerre civile algérienne dans les années 1990. Des documents diplomatiques révèlent que de nombreux islamistes algériens ont trouvé refuge au Mali et au Niger, tissant progressivement un réseau d'alliances locales pour assurer leur survie et leur financement à travers le trafic et la contrebande.

Le cas de Mokhtar Belmokhtar illustre parfaitement cette implantation progressive. Au début des années 2000, ce chef djihadiste s'est stratégiquement allié par mariage à une tribu locale du nord du Mali, consolidant ainsi son ancrage territorial. Selon des analystes, cette installation n'aurait pu se faire sans une certaine forme de tolérance des autorités régionales.

Les relations entre l'Algérie et ces groupes armés s'inscrivent dans une dynamique complexe de gestion sécuritaire. Des rapports d'expertise suggèrent que plusieurs États de la région, dont le Mali et l'Algérie, ont parfois établi des arrangements ponctuels avec ces groupes, privilégiant une approche pragmatique de contrôle territorial.

L'Algérie s'est positionnée comme un médiateur incontournable dans les crises maliennes, notamment à travers les Accords d'Alger de 2006 et 2015. Cependant, des experts régionaux soulignent que cette médiation servait aussi les intérêts stratégiques d'Alger, lui permettant de maintenir son influence sur le nord du Mali tout en sécurisant sa frontière méridionale.

Si les câbles diplomatiques révélés par WikiLeaks alimentent les suspicions sur la stratégie algérienne, aucune preuve formelle n'atteste l'existence d'un pacte structuré visant délibérément à déstabiliser le Mali ou le Maroc. Ces documents évoquent plutôt des arrangements tacites et des tolérances stratégiques, s'inscrivant dans une logique de realpolitik régionale.

La réalité qui émerge de cette analyse est celle d'un enchevêtrement complexe d'intérêts où les frontières entre médiation, contrôle territorial et jeux d'influence se révèlent particulièrement poreuses. Les révélations de Salif Sanogo, bien que significatives, doivent être replacées dans le contexte plus large des rivalités régionales et des stratégies d'influence qui caractérisent la géopolitique sahélienne.