Expulsions massives en Algérie : quand un État abandonne 31 000 migrants dans le désert

Rédigé le 26/04/2025
LeMag .africa

"Le Niger s'est désengagé des accords signés avec l'Algérie. Ils devront maintenant en assumer les conséquences." Ces mots du président algérien Abdelmadjid Tebboune résonnent comme une sentence pour les milliers de migrants pris au piège d'une crise diplomatique sans précédent entre Alger et Niamey.



L'année 2024 marque un tournant dramatique dans la gestion des flux migratoires au Sahel. Plus de 31 000 migrants ont été expulsés d'Algérie vers le Niger, un chiffre qui témoigne d'une escalade vertigineuse des déportations, comme le rapporte l'ONG Alarme Phone Sahara. Cette situation s'est particulièrement détériorée depuis que le nouveau régime militaire nigérien, installé après le coup d'État de juillet 2023, a abrogé la loi de 2015 qui pénalisait le trafic de migrants.

Au cœur de cette crise, des récits glaçants émergent. Des hommes, des femmes et des enfants sont déposés au "point zéro", une zone désertique à la frontière algéro-nigérienne. Selon les témoignages recueillis par les organisations humanitaires, ces personnes doivent marcher des kilomètres dans des conditions extrêmes pour atteindre Assamaka, première localité nigérienne. "Ces expulsions sont non seulement brutales mais parfois mortelles", dénonce un représentant d'Alarme Phone Sahara.

La réaction des autorités nigériennes marque une rupture historique dans les relations entre les deux pays. Pour la première fois, Niamey a officiellement protesté en convoquant l'ambassadeur d'Algérie, dénonçant des opérations menées sans coordination ni préavis. "Ces expulsions contreviennent aux principes de bonne coopération et aux traités internationaux", affirme un communiqué officiel du gouvernement nigérien.

L'Algérie, confrontée à une pression migratoire croissante, justifie sa politique par des impératifs de sécurité nationale. Pourtant, selon l'Institut de Relations Internationales et Stratégiques, cette approche coercitive ne fait qu'exacerber la crise humanitaire et détériorer les relations diplomatiques régionales. Les expulsions violent notamment les principes de la Convention de 1951 sur les réfugiés et de la Charte africaine des droits de l'homme, dont l'Algérie est pourtant signataire.

Cette politique du "tout sécuritaire" révèle ses limites. Loin d'endiguer les flux migratoires, elle crée une situation humanitaire catastrophique à la frontière, transformant le désert en théâtre d'une tragédie humaine qui interpelle la communauté internationale. Pendant que les gouvernements s'affrontent sur le terrain diplomatique, des milliers de destins restent suspendus entre deux pays, dans l'immensité du Sahara.